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Le langage graphique : des hiéroglyphes à Donald Trump

Selon le dictionnaire Larousse, un code est l’ensemble des caractéristiques propres à une marque, ou à un domaine donné. Dans le monde du design, les codes sont très divers : ils peuvent dépendre du lieu où vous vous trouvez, de votre échelle sociale ou de vos connaissances (et encore cela n’est qu’une petite partie de tous les facteurs à prendre en compte). Avec une certaine expérience, vous percevrez les choses de manière différente qu’une autre personne possédant une expérience différente à la vôtre. Mais malgré tout, certains de ces codes ont su briser ces paramètres et sont devenus universels, indifféremment de là où l’on se trouve, de qui nous sommes ou de ce que l’on connaît.

Le pictogramme, un langage universel.

Si vous lisez cet article vous n’êtes peut-être pas sans savoir que les pictogrammes ont toujours existé : avec les peintures rupestres à l’âge de pierre et sont même à la base de langage comme les hiéroglyphes égyptiens ou les glyphes préhispaniques. Avec la diversité des cultures et les échanges internationaux, le besoin d’un langage universel s’est ressenti et les pictogrammes modernes ont fait leur apparition massive dans le paysage.

De nos jours et avec les Jeux Olympiques, les graphistes Yoshiro Yamashita et Masaru Katzumie ont créé, pour l’édition de Tokyo 1964, un set de pictogrammes représentant les différents sports et services, d’une manière universelle, afin que les touristes étrangers venus supporter leurs athlètes puissent se repérer aisément. Cette signalétique a permis aux différentes nationalités de s’orienter dans l’événement sans parler la langue locale. Depuis, chaque Jeux Olympiques possède ses propres pictogrammes.

D’ailleurs, pour la petite anecdote, les pictogrammes des jeux de Tokyo 2020 ont repris cette ancienne série en la modernisant, un joli clin d'œil historique !

Jo Tokyo Hieroglyphes
Pictogramme des JO 1964 et planche marquée de hiéroglyphes

Autre langage universel, les emojis ?

Les emojis sont sans doute le langage le plus universel qu’il puisse exister aujourd’hui : utilisés partout et par tout le monde, ils permettent de simplifier les échanges numériques et de passer outre la barrière de la langue, en racontant des histoires grâce à une suite de ces petites illustrations. Les emojis sont un dérivé des smileys “:)”, nous donnant la possibilité d’afficher une émotion sur internet ou sur nos smartphones, qui sera comprise de tous, peu importe notre culture et d’où l’on vient. Ainsi, par ce biais, les émotions humaines seront toujours comprises.

Depuis plusieurs années déjà, les emojis ont beaucoup évolué, devant plus inclusifs et représentatifs des cultures. Des marques créent et utilisent des emojis dans leur branding, une solution qui permet d’être communicatif rapidement comme l’a fait par exemple l’agence Pentagram pour le rebranding de Fisher-Price.

Fisherprice Pentagram
Nouvelle identité de Fisher-Price signée Pentagram

Comment les grandes marques ont su nous imposer leurs codes en les simplifiant ?

McDonald’s et Nike sont probablement les deux entreprises les plus citées quand il s’agit de parler publicité. Leur ligne éditoriale, reconnaissable instantanément, est l’une des grandes forces de leurs campagnes publicitaires et c’est précisément le point qui nous intéresse.

En 2013, McDonald’s lance comme campagne publicitaire de photos en très gros plan de leurs produits, sans aucun logo. Leurs produits sont tellement iconiques qu’ils sont immédiatement reconnaissables, sans aucun autre artifice. Même chose en 2014, le géant du fastfood sort une campagne publicitaire ne montrant simplement que des illustrations minimalistes de leurs produits phares, une fois encore en ne montrant aucun logo.

Mais alors pourquoi est-ce que l’on arrive à les identifier ? Tout d’abord parce qu'ils utilisent les mêmes codes qu’ils nous ont imposés durant plusieurs décennies, comme par exemple les couleurs. Quand on pense McDonald’s, on pense inévitablement à cette barquette de frite rouge et jaune (couleurs qui ont longtemps été utilisées dans leur branding avant qu’ils se fassent un greenwashing et que le rouge, perçu comme trop agressif, soit remplacé par un vert, se voulant être "meilleur pour l'environnement et la santé"). Leurs produits, eux, sont l’emblème de la culture fast food et de la surconsommation, par exemple, le Big Mac monté sur deux étages qui est Best Seller de l’entreprise, au même titre que le Whooper de Burger King.

Nike, quant à eux, se permettent de faire des campagnes sans montrer leurs produits, en faisant la promotion d’un style de vie avec cette fameuse injonction “Just do it”. Leurs affiches et spots publicitaires ont majoritairement un ton sérieux, ayant pour sujet des événements actuels comme leurs spots sur la mise à l’honneur des femmes dans le sport ou encore en soutien à Colin Kaepernick, le footballeur ayant posé un genou à terre en signe de protestation contre les violences racistes. Nike nous invite à suivre les mouvements, à suivre le mode de vie que l’entreprise propose. Elle nous laisse croire qu’en consommant chez eux nous avons le pouvoir de changer le monde.

Mcdonalds Nike Ad
Publicités pour Mcdonald's et Nike

À l’instar de ces grandes marques internationales, Donald Trump, l’ancien Président des USA, possède des codes graphiques bien à lui, permettent de le reconnaître immédiatement. Mais comment, pourquoi et quels sont ces traits tout à fait propres au 45e Président des États-Unis d’Amérique ?

Trump était perçu comme le loup dans la bergerie lors de son investiture en 2016. Toute la presse du monde a couvert l’information en demandant à leurs illustrateurs de dépeindre ce personnage haut en couleur (c’est le cas de le dire). Pour certains, le travail devait être politiquement neutre alors que d’autres avaient carte blanche. Dès lors, différents codes ont fait leurs apparitions et se sont très rapidement imposés dans l’imaginaire collectif.

Derrière ces illustrations souvent peu valorisantes se cachent un manque de respect intentionnel et une colère palpable donnant pour résultat des couvertures aux émotions fortes ayant souvent tendance à interpeller le lecteur. Ces représentations de Trump sont un moyen d’expression, un moyen de faire comprendre à son interlocuteur en un regard ce que l’on pense du personnage. L’opinion politique par le médium de l’art est une chose excitante, qui interpelle plus facilement le public et qui sera plus à même de reprendre et partager ces codes jusqu’à ce qu’ils deviennent eux-mêmes universels.

Edel Rodriguez Exposition
Visuel de l'exposition d'Edel Rodriguez

Dès lors, quels sont ces codes subversifs adorés par certains et haïs par d’autres ?

Tout d'abord, pourquoi ne pas aborder sa fameuse chevelure pour commencer ? Une coiffure de couleur jaune poussin à l’allure de banane. Cette coupe de cheveux est l’un des signes iconiques de l’ancien Président des USA, mettez-la sur n’importe quoi et vous obtenez une image de Donald Trump (ou Boris Johnson), certains s’en sont donné à coeur joie.

L’ancien homme le plus puissant des États-Unis a fait aussi beaucoup parler de lui pour sa peau orangée. Selon certains, cela serait dû à de trop longues séances d’UV (ou à un excès de maquillage) mais selon lui, c’est la qualité des ampoules qui lui rendent la peau orange. Alors, on en pense quoi ? Fake News ou pas, vous le savez sûrement déjà ou vous l’aurez compris la couleur de sa peau est le deuxième trait fortement exagéré par les médias. Dans presque toutes les illustrations satirique de Donald Trump, il est représenté avec une peau orangée. Le simple fait de forcer ce trait en dit long sur les opinions de l’artiste, c’est une manière de se moquer et de le tourner en ridicule.

Enfin, la cravate rouge de Trump est souvent décrite comme étant un fashion faux-pas. Ou peut-être est-ce une stratégie de communication ? En effet, cette cravate combinée avec son costume bleu et sa chemise blanche retranscrivent les couleurs du parti républicain dont il est membre. Coïncidence ? Cette cravate rouge est le troisième symbole universel de Trump, il est très souvent photographié et dessiné la portant, c’est un peu la cerise sur le gâteau de la représentation de Donald Trump.

Trump Carac
Affiche "Trumps’hair" créée par Christoph Niemann & deux affiches d'Edel Rodriguez

Pour finir, l’ancien Président des USA est connu pour ses dérapages sexistes et racistes, notamment sur Twitter (où il a récemment été banni à vie). Il est donc naturel qu’ils se mettent des communautés à dos qui n’hésitent pas à dénoncer ses actes en le dépeignant dans des comportement violents et colériques. Ce fût le cas avec ce poster de lui, attrapant les parties intimes de la statue de liberté, références à cette phrase sexiste qu’il prononce dans une vidéo en 2005 : "Quand t'es une star, elles te laissent faire. Tu peux tout faire. Les attraper par la c*****, tout faire". Cette affiche dénonce à la fois sa manière de traiter les femmes mais aussi sa manière de gouverner son pays.

Womens Marchs La 2017 Lindsey Lawrence
Womens marchs à Los Angeles par Lindsey Lawrence

Prendre le contre-pied

Si certains ont préféré s’attaquer à son physique, d’autres ont préféré prendre le contre-pied. C’est le cas de Christoph Niemann, illustrateur berlinois, qui dans une interview pour le site ItsNiceThat, explique qu’il a trouvé, pendant la campagne présidentiel 2015, les illustrations et caricatures d’Hillary Clinton tellement violentes et méchantes qu’il préfère laisser cela au parti concurrent.

Ainsi, il préfère le dépeindre sur son caractère et ce qu’il renvoie. C’est le cas notamment de cette illustration qu’il propose pour le New Yorker en 2015, il eut l’idée de mixer le visage de Trump avec le drapeau américain. Cette image de Trump associée au drapeau des USA renvoie une image de lui gouvernant le pays. Cette illustration est sortie un peu avant les campagnes présidentielles, au moment où tous les dossiers compromettant des candidats sont ressortis. Ainsi, se projeter dans le futur et imaginer Trump président est révoltant. Christoph Niemann a fait passer son message à travers une image dérangeante. Un projet malin qui n’est pas tombé dans la critique physique.

Portrait Trump Niemann
Portrait de Donald Trump par Christoph Niemann

Trump est un personnage qui fait forte impression et ses idées politiques ne sont pas du goût de tout le monde. Sa forte personnalité et ses traits physiques atypiques font de lui un personnage idéal et facile à illustrer, en créant des codes graphiques simples. Selon la manière dont il est représenté, vous pouvez rapidement avoir un aperçu des opinions politiques de l’auteur.

Pour conclure, une infinité de codes existe depuis l’apparition des civilisations. On les retrouve partout. Ils sont à la fois un langage visuel, qui peut être compris par tous, tant ils traversent la barrière des langues. Ils permettent de désigner et d’exprimer une opinion et donnent du sens.

Remerciements : Jean Vacossin, notre alternant en métier du design

Écrit par :

Antoine PUYFAGES

Designer graphique

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